Loque Américaine

Plusieurs questions d’apprentis apiculteurs sur ce que je fais en cas de Loque Américaine, et sur une utilisation éventuelle d’antibiotiques.

Non, je n’utilise pas d’antibiotiques.

Il faut donc une bonne connaissance de ses ruches, un suivi régulier des couvains d’abeilles à certains moments, et une action rapide en cas de début de L-A.

Dans ce cas,  je pratique « le double transvasement » classique, avec juste deux améliorations:

a) Remplacement du drap posé au sol par une nappe en papier jetable (qui sera brulée ensuite avec les bacilles et spores de « Paenibacillus larvae » trainant sur ce support).

b) Remplacement de la nouvelle ruche du 1° transvasement (et de ses cadres éventuels) par un simple carton solide (volume = 2 fois celui d’un carton de 6 bouteilles) avec une ouverture sur le bas de la face avant (comme pour une ruchette) refermable, les autres faces avec des petites fentes (au cutter, pour l’aération). Ce carton sera brulé aussi, pour la même raison que la nappe en papier, après le 2° transvasement soit un à deux jours + tard.

Bonne année 2012…

Pour chacun,  pour les abeilles et pour notre petite planète.

J’ai pu faire le traitement avec sirop et un peu d’acide oxalique (35 g/l) dans les dates prévues (7,8,9 janvier), ouf, car il y avait de nouveau du couvain, sur le point d’être operculé, et il y en aura jusqu’à l’hiver prochain maintenant. J’ai aussi vu des bourgeons d’amandiers et autres arbres prêts à éclore…

Merci aux quelques contacts qu’il y a eu, et notamment à Anne qui avait proposé de m’aider (mais j’ai eu un coup de main de quelqu’un d’ici, de Villelongue).

A bientôt pour de nouveaux articles,

Jérôme.

Acide Oxalique cet hiver 2011 / 2012

Question de Anne au sujet du traitement à l’acide oxalique en cette fin d’année 2011:

Question application cela va, je le fais depuis deux hivers. Par contre cette année, étant donnée le manque de froid actuel et le redémarrage des pontes qui a eu lieu début novembre suite à un arrêt complet (plus aucun couvain jusque mi novembre)…… je ne sais plus trop quoi faire. L’année dernière on a décalé le traitement à début janvier. Qu’en penses-tu cette année ?

– Les observations varient selon les apiculteurs: par exemple Yann, au sud ouest de Limoux, vient de faire tous ses traitements à l’AO, car quelques belles journées le permettant, et estimation de peu de couvain (ou pas du tout pour certaines colonies), alors qu’en Janvier il y aura reprise de pontes (douceur prévue et les jours commencent à rallonger) et peut-être du sale temps…

– Pour moi (ouest de Limoux, et dans les Corbières) j’ai vu du couvain dans beaucoup de ruches cet automne, jusqu’à la mi-décembre.
Puis sale temps et refroidissement commençant samedi 17 déc, s’aggravant le dimanche 18 et trainant un peu les jours suivants. En plus nous approchions des jours les + courts de l’année, et enfin je ne met plus les tôles fermant le dessous de mes fonds (tous grillagés)avant ce traitement à l’AO..

Tout cela me fait espérer un arrêt de ponte, ou du moins une ponte minimale, vers le 18 décembre, et  donc un intervalle sans couvain operculé commençant le 8 janvier (21 jours à partir du 17 déc au soir).
Par contre, radoucissement commençant ce dimanche, alors que les jours rallongent, d’où vrai risque de reprise de ponte à partir de ce dimanche 1° janvier, ou du lendemain, et début de couvain operculé 9 jours + tard, le mardi 10 ou le mercredi 11 janvier.

Enfin, l’ AO augmentant le taux d’acidité dans la grappe (ce qui tue les VA) durant  au moins 24 h (c’est ce que j’ai entendu..?), mieux vaut commencer 1 jour avant si beaucoup de ruches à faire, ou si fenêtre météo à ce moment. A l’inverse, finir absolument avant le début de risque de nouveau couvain operculé  où seront  la plupart des VA de la colonie……
Dans mon cas, je devrai donc le faire les 8 et 9 janvier, trop juste pour mes prés de 200 colonies, et donc je commencerai le 7, ou même peut-être le 6 après-midi, pour deux emplacements ayant le soleil dans l’après-midi si soleil il y a ….
En tout cas ça sera juste, et je peux comprendre ceux qui l’ont fait + tôt…

PS: je glisse mes tôles de planchers au moment de mon intervention sur les colonies, c’est le moment de les garder fermées, jusqu’en Mars..

Ruches sédentaires ou pastorales

Un de nos stagiaires m’a posé ces questions :

Pourquoi ne travailles-tu pas avec des ruchers sédentaires? Quelle en est la raison ?
Bénéficier de plusieurs miellées pendant la saison = plusieurs récoltes ? Car pas assez de Variétés florales au même endroit si rucher sédentaire ?
Serait-ce possible de faire de l’apiculture non-transhumante dans l’Aude ?
Est-ce parce que tu produis des miels bio ?

Depuis mes débuts, il y a plus de 30 ans, j’ai rêvé d’avoir d’une part des ruchers « sédentaires », et d’autre part une activité pastorale avec des ruches allant aux romarins en hiver, puis dans les forêts d’acacias d’Ariège, puis dans les forêts de châtaigniers, de sapins, ou de tilleuls, ou en haute-montagne ou sur des tournesols bios,..etc. C’est ce que j’ai fait en ayant des ruchers sédentaires dans les hautes Corbières, pas loin de là où j’habitais, et des ruchers de transhumance pour mes ruches « pastorales ». Mais ensuite j’ai dû déménager et diminuer mon cheptel.

Maintenant, j’ai des ruchers proches pour faire de l’élevage au printemps, puis suivre les jeunes essaims ainsi créés. Ces ruchers me servent ensuite de ruchers d’hivernage pour d’autres ruches. Je n’ai pas vraiment de ruchers sédentaires actuellement, et je ne pourrai en tout cas pas être en majorité sédentaire parce que:
– beaucoup de mes emplacements pour miels de crus ne conviendraient pas en sédentaires (plateaux de romarins désertiques en été, 6 mois de neige en haute montagne…etc).
– il me faudrait bien plus de ruches au total pour récolter ne serait-ce qu’une partie des variétés de miels de crus que je produit, or c’est un peu ma spécificité, et celles de la région…
– certains de mes emplacements sont labellisables en Bio à condition de n’y être qu’au moment de la miellée (certains/ l’acacia, le tournesol bio,..).
– et puis maintenant il y a la présence du frelon asiatique dans la région qui incite en fin d’été / automne à porter des ruches à un rucher plutôt qu’à un autre selon l’infestation, le changement climatique en cours obligeant des changements de lieu de production,…etc

Et ensuite: peut-être en travaillant avec quelqu’un, et sinon plus tard à la retraite, reprendrais-je le choix au moins partiel de ruchers sédentaires..
Voila, j’ai répondu à partir de mes propres ruches et ruchers, le sujet étant si vaste et si complexe, c’est au moins un début de réflexion…

Un essaim à déloger

Essaim qu’il a fallu déloger début septembre 2011, du village de Loupia, près de Villelongue d’Aude

Un essaim s’est installé dans une maison, entre fenêtre et volets. Classique, me direz vous.

Mais quand on découvre que les bâtisses sont 2 à 3 fois plus grandes que celles de nos ruches à cadres, et qu’il faut découper, et redécouper, pour encastrer des parties de couvain et pollen dans ces cadres…

…on comprend qu’on est en face d’une merveille de la nature.

Le transfert dans une ruche a quand même pris 4 h, à 4 puis 3 personnes (Eliane, notre photographe ayant du partir).

On espère que cet essaim se refera une belle vie dans le Chalabrais où il va demeurer maintenant.

Questions à un apiculteur

Dans le cadre d’un TPE sur le sujet « Disparition des Abeilles », une lycéenne a envoyé un questionnaire à Jérôme.

Voici ses réponses.

Où sont situées vos ruches ?

Autour de chez moi pour l’hivernage, et pour faire des essaims, en zones dites sauvages, ou de cultures biologiques pour les productions de miel.

Vos ruches sont-elles infestées par le varroa – en grande ou petite quantité? Si oui, quel traitement utilisez-vous?

Elles vivent  avec le varroa depuis son arrivée dans la région (début 1985).
Depuis il y en a toujours, plus ou moins selon les années et mes « soins » (observation : ceux qui pensent leurs ruchers indemnes de varroas n’ont pas bien cherché!)
J’ai essayé,  je crois, toutes les attitudes et  tous les traitements possibles en bio, et actuellement j’utilise :

apiguard (thymol) en septembre, acide oxalique (en quantité très faible, c’est un produit que les abeilles connaissent bien car il y en a dans le miel) en début d’hiver, quand minimum de couvain, et au printemps quand je fais de nouveaux essaims et qu’il n’y a pas encore de couvain operculé, plus fonds complètement grillagés, ..etc.

Devez-vous traiter vos abeilles avec des antibiotiques?

Non, étant en bio depuis mes débuts, par conviction (le AB n’existait pas du tout encore..!), je me devais d’agir autrement  C’était délicat, d’autant plus que je suis aussi agent sanitaire apicole, nommé par le préfet, depuis les années 80 et qu’en ces temps là les antibiotiques c’était automatique…

Avez-vous des pièges à frelons? Si oui, est-ce efficace?

Oui, et ça aide bien, mais la pression du Velutina n’est pas encore très forte dans l’Aude ou l’Ariège.. mais au point où nous en sommes ce n’est qu’un « problème » de plus même si c’est assez dramatique .

Avez-vous observé une surmortalité de vos abeilles?
Si oui, pour vous, quels sont les facteurs (pesticides, OGM, virus, thèses à écarter?)

Cette question me semble surréaliste, peut-être que je me fais vieux?? mais aussi après plus de 30 ans d’apiculture on a un autre regard sur ce qui se passe en ce moment que vous ou vos professeurs; vous n’avez pas le mien et je n’ai pas le votre. Alors, oui il y a surmortalité, mais aussi durée de vie des abeilles plus courte, et surtout la durée de vie des colonies d’abeilles (l’individu chez Apis mellifera est en fait la colonie et non l’abeille) de part une durée de vie des reines plus courte (environ 2 ans en moyenne actuellement, 3 ans pour les miennes, pour environ 4 ans comme toujours, auparavant, et encore il y a 30 ans), et, tout aussi grave, la difficulté grandissante de reproduction naturelle de ces reines.
Jj’ai moins de mortalité que certains collègues (sans doute lié aux méthodes de renouvellement des colonies, et aux ruchers de production évitant les cultures dites conventionnelles, pleines de pesticides), environ 30 % au lieu de 40 à 50 % ou même plus, mais quand même bien trop : il y a 30 ans il y avait 5 % de pertes hivernales, et 2 à 3 % de pertes diverses….

Les facteurs, partant du plus grave puis par décroissance:

  • Les pesticides sur cultures, bâtiments d’élevage, ..etc, et leur accumulation, et les effets de synergies quand plusieurs types de molécules sont utilisées alors que leurs « AMM » n’ont été délivrées qu’ après une étude individuelle de chacun, et encore quand il y a de vraies études indépendantes ce qui est rarissime. Beaucoup à dire là dessus, mais ce ne serait plus des réponses à un questionnaire! Action directe, et indirecte, les deux à court, moyen et long terme.
  • Le Varroa, (parasite à l’origine d’Apis Cerana*, dans l’île de java, mais l’homme ayant déjà voulu jouer à l’apprenti sorcier vers 1950, il est maintenant là presque partout, et plus grave qu’un parasite). Action directe et indirecte, à moyen et long terme (le côté indirect étant l’affaiblissement des colonies et les plaies facilitant l’entrée des virus).
  • Le changement climatique : je suis surpris qu’il n’en est pas fait mention: il y a réchauffement (visible ici l’été, surtout depuis 2003) et légère augmentation d’amplitude des extrêmes (températures, précipitations, vents, rayonnement,en + et en -) or l’abeille s’est développée parallèlement aux plantes à fleurs (évidement…) dans leur écosystème, et celui-ci est en fait très sensible  (ex.: miellée d’acacia en Ariège, fin mai : elle s’arrête si ça dépasse 29°, idem pour le châtaignier, fin juin, à partir de 35° et donc 1° de plus peut changer beaucoup de choses, c’est ce qui se passe de + en +). Action indirecte (car sur les plantes,  l’eau,..) à court, moyen et long terme.
  • Zones de grandes cultures : monocultures et périodes de disettes artificielles en pleine saison de développement pour les abeilles.
    Ce point, et le premier font que l’on constate un meilleur état des colonies dans les grandes villes que dans ces zones de grandes cultures. Action indirecte à court et moyen terme, tant qu’il y a ces monocultures sur de grandes surfaces.
  • Les apiculteurs: ce sont aussi des humains, avec tous leurs défauts, et leurs « brebis galeuses »: trois ont notamment croisé Mélifera avec Cerana il y a 60 ans *, depuis d’autres font des croisements et des importations de tous les coins du monde, parfois pour gagner quelques mois de début de production alors qu’on perd des années de vie…d’autres mettent pesticides ou antibiotiques dans leur ruches…etc. Action directe et indirecte, à court et moyen terme. mais je ne le met qu’en 5° position car par expérience j’ai pu observer que la nature reprend le dessus si on lui en donne la possibilité, même s’il faut plusieurs générations de reines pour cela, et puis il y a aussi des pertes (les 30%) même si on est en bio depuis longtemps…
Je ne met pas les OGM ni les virus car:
  • Pour les OGM, il n’y a a (heureusement) pas encore assez de cultures de plein champs pour être la cause de ce qu’on observe sur les abeilles.
  • Pour les virus, c’est le contraire, ils y étaient avant ces surmortalités, et les abeilles se portaient très bien. Ils se développent plus maintenant que les abeilles sont affaiblies, qu’il y a des failles dans la chitine (dues au varroa), mais surtout en corrélation de l’action de certaines molécules des pesticides; ce dernier point fait que c’est non seulement les abeilles mais tous les insectes pollinisateurs (et notamment les braves « Bombus ») qui butinent  les fleurs des champs ou aux alentours des bâtiment d’élevage, qui sont en péril. Bref les virus sont un symptôme visible mais pas une cause au sens propre.
Craignez-vous une disparition imminente des abeilles?
Je n’ose pas y penser vu ce que ça voudrait dire pour notre planète, et nos enfants, mais ce risque est bien là maintenant, non seulement pour les abeilles mais pour toutes la faune pollinisatrice.
Pour vous, quelles seraient les conséquences (sur l’environnement,  l’économie et autres…)?
Là aussi je n’ose pas y penser.
Les chiffres indiqués ça et là (quelques milliards de dollars) ne veulent rien dire car les bouleversements directs et indirects, économiques (on est bien présomptueux de parler d’économie dans un tel scénario) et sociaux (/ manger et / monopole puisque ne pourront plus exister que des succédanés OGM de plantes à fleurs) ne pèseront pas lourd en face du bouleversement écologique provoqué par la disparition de ces insectes et des plantes à fleurs.
En vous remerciant par avance de l’attention que vous porterez à notre demande,
Valentine (et son groupe de TPE)

Comment developper un rucher

Question :

J’ai un petit rucher sur l’île de la Réunion et voudrais le développer : quelle solution choisir ?

C’est une question très vaste, en entraînant d’autres : arrivez-vous à maintenir votre cheptel en bonne santé  (c’est de + en + difficile, notamment en France), et si oui de combien voulez-vous l’augmenter (je penses qu’il faut y aller progressivement).

  • Pour une légère augmentation (ou pour maintien du cheptel si un peu de pertes): effectuer des divisions de quelques très bonnes ruches en début de période d’essaimage. Pour cela il y a plusieurs méthodes bien expliquées sur Internet. Ça se fait dans le rucher, pas besoin de transhumer, ni de gros préparatifs.
  • Pour une augmentation plus conséquente (ou maintien du cheptel si beaucoup de pertes) : on peut aussi agir par divisions, mais en préparant l’opération en avance et en prévoyant de déplacer les nouveaux essaims à plus de 3 km; les nouvelles reines s’y feront féconder et les abeilles oublieront leur emplacement précédent. Pour cela il faut que les colonies à diviser soient très populeuses, avec beaucoup de couvain (au moins un mois avant, on peut superposer 2 corps et inciter la reine à pondre partout). Il faut prévoir des ruchettes pour les essaims à déplacer (ou sinon ruches avec partitions, mais c’est + lourd et + encombrant) et un emplacement de rucher à 3 km (pour au moins un mois). Description des méthodes là-aussi sur Internet.
  • La 3° solution, c’est celle ci-dessus, mais avec en plus introduction de cellules royales ou de reines, élevées par des ruches éleveuses ou achetées. Là ça devient devient compliqué et la première fois il vaut mieux le faire avec quelqu’un d’expérimenté…

Je vous souhaite bonne chance avec ces essaims, et dernier conseil : voir ce qui se fait traditionnellement dans la région où sont vos ruches.
Amitiés apicoles,
Jérôme Sarre.